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Des membres de l’Association nationale pour la promotion des sourds du Sénégal (ANPSS) faisant le signe « Vote !».

Des membres de l’Association nationale pour la promotion des sourds du Sénégal (ANPSS) faisant le signe « Vote !».
IFES

Le Sénégal arbore une fière histoire, celle d’un modèle de démocratie parmi les plus aboutis d’Afrique. Pourtant, une frange de sa population a toujours été exclue du processus démocratique. Il s’agit des personnes atteintes de déficience auditive.

« Certains d’entre nous ne connaissent même pas le nom du président de la République », déclare Aminata Dia, membre de l’Association des sourds de Pikine, un quartier de Dakar, la capitale du pays.

Le principal obstacle à la participation électorale de la communauté des personnes malentendantes réside dans l’absence d’un langage commun. Les citoyens ont besoin de savoir comment, quand et pourquoi s’inscrire et voter. De telles informations sont tributaires d’un vocabulaire qui devient familier avec l’éducation des électeurs. Il s’agit notamment des termes suivants : citoyen, bulletin de vote, candidat, campagne électorale, fichier électoral et encre indélébile.

La responsabilité de faire comprendre ces concepts au public incombe aux pouvoirs publics et la société civile. Cependant, ils prennent rarement soin de mettre ces informations à la disposition des personnes atteintes d'un handicap. Au Sénégal, la plupart des personnes utilisant la langue des signes pour communiquer sont tenues à l’écart du débat électoral et politique, un vocabulaire bien établi sur le sujet faisant défaut.

Dans le cadre du programme Nietti Elections de l’USAID/Sénégal, mis en œuvre par le Consortium pour les élections et le renforcement du processus politique (CEPPS) et la Fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES), l’USAID est à pied d’œuvre pour combler le fossé communicationnel, pour permettre aux personnes atteintes d’un handicap d’accéder plus facilement à la formation des électeurs.

CEPPS/IFES a réuni des représentants de la communauté des personnes atteintes de surdité, des milieux juridiques sénégalais et de la Direction générale des élections (DGE) pour produire un vocabulaire permettant aux utilisateurs de la langue des signes de se familiariser avec les processus électoraux et de prendre part aux discussions et aux débats sur les questions électorales.

Le premier défi à relever pour mettre en pratique le nouveau vocabulaire de signes s’est présenté lors élections parlementaires pour l’ensemble des 165 sièges de l’Assemblée nationale au cours de l’été 2022.

Les participants ont convenu d’une liste de 105 termes électoraux clés - allant des principes juridiques aux termes liés à l’administration des élections, à la candidature et au vote - et ont conçu par consensus les signes correspondant à ces concepts.

Une fois les termes et les signes approuvés, CEPPS/IFES a réalisé un document vidéo montrant des utilisateurs de la langue des signes en train de s’en servir. Les réactions ont été extrêmement positives.

 

« Avant de regarder la vidéo, je ne savais pas que le vote était secret », a déclaré Papa Alioune Sow, ancien président de la Fédération nationale des organisations de sourds du Sénégal (FNOSS).

« C’est la première fois qu’une campagne de sensibilisation électorale tient compte des besoins d’information des personnes atteintes de surdité. Je suis très heureux que quelqu’un ait pensé à nous pour une fois », a ajouté Séga Gueye, membre de l’Association représentant les personnes sourdes de Rufisque.

CEPPS/IFES a également organisé une série de six ateliers pour présenter le lexique électoral aux membres de la communauté des personnes malentendantes. Avec la devise « mon signe, ma voix », les ateliers comprenaient une simulation de vote pour aider les participants à comprendre le processus et à éviter les erreurs le jour de l’élection.

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Un personnes malentendante participant à un atelier sur les élections fait le signe « transparence », avec enthousiasme

Un personnes malentendante participant à un atelier sur les élections fait le signe « transparence », avec enthousiasme
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« Je n’ai eu aucune difficulté à voter le jour des élections législatives grâce à l’atelier de diffusion », a déclaré Rama Ndiaye, membre du FNOSS.

L’appui enthousiaste des autorités électorales sénégalaises a été un facteur déterminant du succès du nouveau lexique. À la suite de l’élaboration du lexique, la DGE a décidé, pour la première fois, d’inclure l’interprétation en langue des signes dans les messages télévisés d’éducation des électeurs. Des spots vidéo sur la distribution des cartes d’électeurs et le processus électoral ont été diffusés sur les chaînes de télévision publiques et privées à travers le pays et sur les réseaux sociaux au cours des semaines précédant le jour du scrutin de l’année dernière.

La conception de ce lexique est d’une importance capitale, tant sur le plan pratique que symbolique, pour le renforcement de la démocratie et l’intégration de personnes susceptibles de se sentir oubliées au sein de la société. En février de cette année, la communauté des personnes malentendantes du Sénégal pourra, pour la première fois, participer massivement à une élection présidentielle.

Cette initiative a des conséquences importantes et durables sur l’approfondissement et le renforcement de la démocratie sénégalaise. Mamadou Bocar Niane, expert chargé de la formation au sein de la DGE, est du même avis.

« Le lexique est une avancée colossale pour notre pays, car il s’agit d’une première", déclare-t-il. « Nous [la DGE] avons préparé le terrain, et maintenant les autres institutions suivront »

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